Vercors : La route de Combe Laval
Dans le Vercors, de Saint-Jean-en-Royans (D76) au Col de la Machine par la mythique route de Combe Laval.
Pour les cyclotouristes c'est un col long de 12 km avec une pente à 6,2 % de moyenne, les pourcentages importants se situant dans les premiers kilomètres. Dans les 3 derniers kilomètres la route s'élève peu permettant de profiter pleinement du site.
Ces derniers mois, la D76 a fait l'objet de travaux de réfection des parapets, de protection contre les éboulements rocheux, de confortement de chaussée, de purge de parois rocheuses et de vidage d’un écran pare-blocs. Nous avons pu apprécier ce travail.
De la plaine, à proximité de Saint-Thomas-en-Royans, un aperçu du relief escarpé du Vercors avec ses falaises et ses gorges.
Après un passage entre les derniers noyers plantés sur le piémont de la Montagne de l'Echarasson, l'entame du Col Gaudissart est en partie dans une ambiance forestière. C'est un col intermédiaire sur la route du Col de la Machine (1011 m). Jusqu'à la fin des "années 90", le Rallye de Monte-Carlo empruntait en "spéciale" au départ de Saint-Jean-en-Royans les premières pentes du col pour ensuite aller au Col de l'Echarasson, du Carri et terminer à la Cime du Mas (plus de 30 km). Le Rallye Monte-Carlo Historique continue de parcourir ces belles et tortueuses routes du Vercors.
Nous prenons rapidement de l'altitude pour arriver à la Maison Jourdan où la route domine Saint-Jean-en-Royans et Saint-Laurent-en-Royans ainsi que la confluence des vallées de Lyonne et du Cholet.
Sur le bassin versant du Cholet, encore quelques pentes douces avec des prairies, ensuite c'est la place aux falaises. Au pied de cette falaise se situe la résurgence et la Grotte de Frochet. Des fouilles archéologiques permettent de dater la présence sur ce site de traces du Mésolithique (de - 6 000 à -10 00 avant J-C) jusqu'à l'Age du Fer (- 800)4. L'eau s'écoule en une cascade pétrifiante.
Nous retrouvons par-delà la Combe Laval où coule le Cholet, le relief entaillé avec les Petits Goulets, Les Gorges de la Bourne.
Le virage de la Maison Jourdan, une route bien large qui va se réduire à la largeur d'un véhicule le long de l'Echarasson.
Le moment attendu, le début de la route de Combe Laval avec ce premier tunnel où beaucoup y voit la tête d'un éléphant (paréidolie). Pour profiter de cette route, il est préférable de garer sa voiture et de continuer à pied. Le matin en semaine et en hors saison, la circulation est peu importante, il convient quand même d'être attentif pour passer les tunnels.
L'aspect grandiose du site tient dans cette impression d'avoir atteint l'extrémité d'une "terre" tant l'espace devant nous est vaste. La crête en face se situe à environ 2 km séparée par un abime de 570 m de profondeur avec une première partie à-pic. Ici, nous sommes à 908 m d'altitude, le Cholet coule au fond à 338 m.
Encore quelques dizaines de mètres et c'est la plongée immédiate. La sensation d'être happé par le vide peut-être présente, surtout quand on arrive de "plats pays". Après quelques pas et un temps d'accoutumance à cet environnement aérien on peut commencer à regarder l'abime.
La première approche avec déjà la possibilité d'apprécier le travail des ouvriers qui ont construit cette route à la fin du XIX ème siècle et depuis, l'attention portée à l'amélioration et à l'entretien de cette route pour notre plus grand plaisirs. La construction de ces routes vertigineuses du Vercors sont motivées par l'idée de désenclavement, le développement économique et l'intérêt de réduire les temps de transport1. Concernant le désenclavement, comme le note Emma-Sophie Mouret, l'intention est aussi d'apporter aux habitants "l'accès à la modernité et aux symboles du progrès" 2. Pour cette route, l'aspect économique et l'amélioration du transport, c'est la Forêt de Lente et ses arbres qui sont convoités. Celle-ci va donc remplacer le Chemin des Chartreux, ainsi noté sur la carte IGN, mais d'après des recherches récentes, il s'agit de la Route Forestière Impériale3.
Il n'est pas toujours aisé pour les ingénieurs de choisir le tracé en fonction des possibilités de la structure géologique en privilégiant par exemple les passages entre 2 strates ou sur des vires facilitant la progression. Sur les prochains 600 m, une section à encorbellement comme d'autres suivront. A cet endroit, la route ne repose pas sur la roche, mais elle est dans le vide posée sur des traverses.
Détail de construction où une poutre IPN, maintenant la route, repose sur un frêle poteau.
Un regard vers la rampe après le Col Gaudissart
La vue sur une partie du Royans et au-delà, la Vallée de l'Isère
L'entrée du premier tunnel où une plaque commémorative rappelle la date de construction de cette route de 1893 à 1896 ainsi que son élargissement en 1938.
Les éperons et les tunnels s'enchainent sur environ 600 m. Souvent, ces routes taillées dans la falaise sont tout aussi impressionnante en regardant la masse rocheuse au-dessus de la chaussée.
En regardant vers le bas, Laval, la route au fond continue en amont jusqu'au Monastère de Saint-Antoine le Grand.
En face les Rochers de Laval
Tel un balcon ou une coursive
Le dernier "tunnel" de cette portion, il reste ensuite celui plus classique pour arriver au Col de la Machine.
A la sortie, il reste 2 km 500 (dans un prochain article) pour atteindre le Col de la Machine. La route longe les menaçants Rochers des Fècles.
La Combe Laval est dans un périmètre de l'Inventaire National du Patrimoine Géologique (INPG). Sur un plan géologique, c'est une reculée. Nous trouvons du calcaire de l'étage du Hauterivien (n3) sur le versant des Rochers de Laval et du calcaire de l'Urgonien (n4-5U) de la Montagne de l'Echarasson et des éboulis (E) sur ses pentes. Le site est également en zones de protection NATURA2000 et en ZNIEFF 1 et 2.
Documentation :
1 2 Emma-Sophie Mouret Chemin faisant, une histoire des routes du Vercors, Penser et édifier les routes carrossables (1827-1914), Ed. Plumes d'Ardèche p. 42 à p 79
1 2 ou en version vidéo https://cheminsfaisant.ladrome.fr/
3 La route forestière impériale de Combe Laval, la route oubliée, Association Royans d'Hier et d'Aujour'hui
4 J. Combier, Rhône-Alpes. In: Gallia préhistoire, tome 25, fascicule 2, 1982, p. 493
En savoir plus : https://www.royans-dhier-et-daujourdhui.fr/notre-patrimoine/
Jean Bouvier, Désenclavement du Vercors Ouest, Combe Laval, Société archéologique de la Drôme, septembre1965
Jean Noaro, Découverte du Vercors, p.39 à 48
Georges Jorré, L'établissement des routes dans le massif du Vercors, Revue de Géographie Alpine, année 1921, p. 229-284
Geneviève Rouillon, Vercors, Les batisseurs du vertige, Alpes magazine n°38, mars-avril 1996, p.74 à 86
Guy Meauxsoone, In Mémoriam, les Grands Goulets, Chaîne : Histoire, vidéo de 5mn
Inventaire National du Patrimoine Géologique, Reculée de Combe-Laval, identifiant : RHA0090, Fiche technique
Zone NATURA 2000, Monts du matin, Combe Laval et Val Sainte-Marie : FR8201692
Date de dernière mise à jour : 26/06/2023
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